Découvrir Cambayrac
Des murmures aux légendes
Comme pour bien d'autres communes du Quercy, le nom du village est attaché à plusieurs récits ou légendes de la littérature populaire parvenus jusqu'à nous en ce XXIe siècle grâce, en particulier, au travail de recueil de deux hommes d'église, archivistes diocésains à Cahors au siècle dernier : le Chanoine Edmond d'Albe et le Chanoine Eugène Sol. Ils ont ainsi fixé sur le papier les récits collectés que nous imaginons transmis lors des veillées d'hiver, sous des formes narratives vivantes, expressives et modulées, accompagnées de la gestuelle et de la tonalité adaptées au récit ou au public, par des conteurs et conteuses.
Dans un passé plus récent, en 2011, sont parus aux Editions Quercy-Recherche "Contes et légendes du Query" de J.L Obereiner, créateur et directeur de la revue du même nom. L'auteur a ainsi collecté plus d'une cinquantaine de récits du légendaire quercynois profane ou sacré, rattachant ces récits à quelque lieu célèbre ou commune du département ou zone limitrophe. Toutefois, l'esprit perturbé par un drac facétieux, il a omis de citer Cambayrac qui, vous le verrez fut pourtant le théâtre d'aventures faisant appel au surnaturel ou faisant surgir des personnages fantastiques.
Revenons donc aux classiques :
Les récits relatifs à Saint-Perdoux, ermite local ont été présentées dans la partie relative à l'Eglise.
Voici donc maintenant quelques narrations rapportées par E.Sol (ici en italiques dans le texte) dans un ouvrage (en deux tomes) intitulé "Le vieux Quercy".
Cambayrac est ici le théâtre de récits faisant appel au surnaturel et fait surgir des personnages fantastiques.
Saint - Perdoux
Perdoux, selon la tradition, aurait été un ermite, originaire de Luzech. Personnage canonisé par la voix du peuple, plusieurs miraculeuses légendes lui sont attribuées.
Perdoux désirait être inhumé dans l'église de Cambayrac, mais sans respecter ses dernières volontés on l'enterra sur la colline de l'Impernal au-dessus de Luzech. On raconte que fort attristé, il vint ensuite hanter les nuits du prieur de Cambayrac qui décida de partir à la recherche de sa sépulture. Le prieur la trouva miraculeusement, lorsqu'il fit fouiller l'endroit où les ronces avaient accroché avec véhémence le surplis de sa soutane.
Retrouvé parfaitement conservé, la dépouille de Perdoux fut amenée à Cambayrac, suivie par une longue procession de fidèles. En montant sur le Puech, une femme enceinte se sentant défaillir supplia le saint de lui donner de l'eau. Aussitôt, une source se mit à couler du rocher et on ne la vit jamais à sec. Dès lors, elle devint un lieu de pèlerinage que l'on baptisa du nom de "Saint Perdoux".
Vous découvrirez la légendaire fontaine de St Perdoux en empruntant le chemin qui s'enfonce du village vers la combe de l'Andorre. L'eau y coule du rocher parmi les buis et s'enfuit alimenter un rustique lavoir. Elle fut aménagée d'un petit oratoire et d'un bénitier. Il était invoqué pour apporter la pluie et pour une "bonne délivrance" aux femmes enceintes.
Le culte de Saint-Perdoux donnait lieu a l'organisation de nombreuses processions, comme en témoigne la photo ci-dessus. Elles disparurent après la deuxième guerre mondiale.
Les habitants de la région s'y rendaient en procession avec la châsse contenant les reliques du saint, dorénavant conservée à l'église de Cambayrac. La sacristie contient également une bannière datée de 1900 et portée lors des pèlerinages.
Le Roc des Tsayans
Le Roc des Tsayans, le roc des géants, se trouve au-dessus du chemin menant de la fontaine de St-Perdoux, à la combe de Landorre.
Or donc, quand on bâtissait l'église de Cambayrac, il y a des siècles, un géant et sa femme voulurent apporter leur contribution à sa construction...Ils allèrent choisir deux beaux quartiers de roche, les chargèrent sur le dos, allèrent vers le bourg. Entendant sonner l'angélus, ils s'arrêtèrent dans la montée, comprirent qu'ils arrivaient trop tard et laissèrent là tomber leur charge. Et les blocs n'ont plus bougé depuis !
Annotation : D'un volume de six mètres cubes il s'agit d' un ensemble de deux rochers posés l'un sur l'autre. Le bloc inférieur, d'un volume double de l'autre.
Par Darraghm1 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=63941055
Poux du Drapt
Ce puits du Drac vaut bien quelques développements !
Le Drac, selon les croyances quercynoises se présente comme un esprit farceur, jouant des tours dans les fermes, tressant la crinière des chevaux, attachant les bœufs par la queue, déplaçant les meubles, faisant du bruit, agaçant les filles...
Être surnaturel polymorphe, qui peut être une représentation diabolique, il emprunte l'apparence d'un animal : un mouton égaré, se fait porter par un paysan pensant agrandir son troupeau, le mouton se fait de plus en plus lourd sur les épaules du paysan, jusqu'au moment où il en saute, et disparaît en ricanant.
Il peut se faire cheval ou centaure, sa croupe s'allonge lorsque des enfants de Luzech jouant dans les prés ou des habitants de Saint-Vincent revenant chargés de la foire, veulent le monter ...il les emmène vers la rivière et "Sans un nomine patris, vingt-quatre [il] en noyait" : un signe de croix sauve in-extremis les imprudents cavaliers.
E.Sol écrit: "A Cambayrac, le drac était le diable venu dans le pays. On y montrait le puits du Drac. D'après une légende, on ne pouvait passer devant ce puits sans voir une chèvre blanche ou trois lumières, c'était le Drac qui, établi au puits, faisait peur au pauvre monde ou cherchait à le tenter."
Il poursuit:
"Les anciens de Cambayrac faisaient volontiers le récit suivant:
un certain Bonjournal de Salgues, avait mené son bœuf dans les foires et n'avait pas trouvé à le vendre. Il le conduisit un jour à la foire de Castelnau, pensant bien le céder, dût-il le vendre au Diable. Mais il ne pût s'en débarrasser à cette foire. Il s'en revint le soir très mécontent. Comme il se reposait un instant dans une friche,son bœuf paissant dans des broussailles, un monsieur passa à cheval qui lui demanda de lui vendre l'animal. Le monsieur, une fois d'accord avec le vendeur, requit simplement que le bœuf lui fût conduit à sa maison. La chose convenue, ils se mirent tous deux en route et arrivèrent dans un château.
Bonjournal attacha son bœuf à une crèche, dans une étable, et suivit le monsieur dans une chambre voûtée. Là, l’acheteur lui ouvrit des tiroirs pleins d'écus, en lui recommandant de se payer. Alors, il prit la somme qui lui était due en faisant le signe de la croix, et, tout à coup, il se revit dans la friche, le bœuf paissant dans les ronces. Dans les poches, en place d'argent, il ne trouva que 12 pierres."
Le loup-garou
E.Sol encore écrit encore:
" Ce [...]récit touchant le loup-garou était bien connu, jadis, à Cambayrac. Un soir vers les dix heures, un père de famille était allé faire un tour à une pièce de terre, dans la plaine. Arrivé dans le bas-fond, il vit une chèvre blanche de la grosseur d'un ânon. Il voulut la chasser à coups de pierre mais elle ne voulut pas bouger. La peur l'ayant pris, il rebroussa chemin. Mais, arrivé à vingt pas d'une croix dite "la Croix petite", il se trouva en face d'un loup-garou qui lui fit le reproche d'avoir jeté des pierres à la chevrette et lui recommanda de la laisser tranquille une autre fois. Le loup-garou poussa aussitôt trois grognements que firent retentir les combes et disparut. Le brave homme pensa s'évanouir.
C'est à la terreur des guerres médiévales (et ultérieures ?) qu' E.Sol attribue la folie de ceux qui se croyaient changer en loup-garous.
La " Croix petite" n'a pas été localisée dans ou à proximité du village.
Peyro levado
Il faut enfin signaler, à la limite de Cambayrac, mais sur le territoire de Saint Vincent, un mégalithe, une pierre levée.
E.Sol écrit : Ces pierres brutes sont d'ordinaire d'une hauteur de 15 à 18 pieds [soit environ 4,5 mètres] .... Il existe une Peyro lebado du côté de Caylus. Il y en une autre dans une vigne de Cambayrac, d'où l’œil plonge "avec délices" sur la Cévenne de Luzech. Elle est en calcaire jurassique et percée d'un trou oblong aux deux tiers de sa hauteur. Celui à qui appartenait la vigne, un certain Chateau disait jadis que cette pierre s'enfonçait dans le sol d'autant qu'elle s'élevait en l'air, ce qui faisait qu'elle ne craignait rien "ni l'autan, ni la bise, ni le diable!".
Les monuments mégalithiques sont un lieu d'assemblées, de danses des fatsilières, los fatisilheros, ou foxilhéros, les fées ("des gaulois"), selon E.Sol, bonnes ou malveillantes. Il n'a pas été retrouvé ce genre de récits pour Cambayrac.
Mais les siècles passent et les croyances se sont estompées, les fatisilères ne dansent plus sur le causse, le loup-garou n'en court plus les chemins, le drac a, sans doute trouvé d'autres subterfuges pour tromper les humains...
Notes bibliographiques: Sol, Magen, Dominique Saur in Quercy Recherche N°118 page 40 et suivantes. Revue Quercy Recherche 128 Maureille page ***, Contes et légendes du Quercy par J.L Obereiner Editions Quercy Recherche 2011